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Billet janvier 2017

Lady Gaga à ma table!


Pendant la période des fêtes qui vient de se terminer, vous avez certainement eu l’occasion de manger dans un restaurant en famille ou entre amis. Aviez-vous aussi une vedette à votre table ? 

Régulièrement, je mange au restaurant avec Lady Gaga, les Lost Fingers, Adèle, Cœur de pirate ou Kendrick Lamar à ma table. Privilégiée, pensez-vous? Je ne suis pas du même avis. Je les aime bien, mais pas à ma table, chantant leur toune pendant que mes amis et moi essayons de discuter ensemble, ou qu’au moment de la commande, le serveur me fait répéter mon choix ou ma question pour la deuxième fois. J’ai trop souvent l’impression d’être dans un bar.

« Vous allez me trouver mémère, mais serait-ce possible de baisser le volume de la musique s'il-vous-plait? » est une demande que je fais régulièrement. Généralement, mais pas toujours, on acquiesce à ma requête. Même si le niveau obtenu ne me satisfait pas toujours — rarement en fait — je remercie en me disant que mon commentaire aura peut-être un effet pédagogique à plus long terme (déformation professionnelle!). Cela dit, la mémère n’est pas seule : dans le domaine de la restauration, le niveau de bruit, dont le volume de la musique, serait l’objet de nombreux commentaires négatifs. En effet, le bruit dans les restaurants arriverait en 2e ou 3e position à ce palmarès.

Selon diverses recherches, la qualité de l’expérience du consommateur et sa satisfaction face à un restaurant sont fondées sur plusieurs éléments. Outre la saveur des aliments et la qualité du service, l’ambiance serait un déterminant souvent plus important que le prix. De plus, elle a une forte influence sur l’intention de retourner ou non au même endroit.

La musique, un élément de l’ambiance, a différences fonctions : couvrir les bruits indésirables comme ceux provenant de la cuisine, rendre les conversations des autres clients moins audibles, histoire de favoriser une certaine intimité, et générer une ambiance. Celle-ci suscite des émotions qui, comme le choix musical, relèvent de perceptions hautement subjectives, il est vrai.

Cependant, la question du volume de la musique réfère aussi à des données objectives du domaine de l’audiologie qui ne sont pas moins actives dans l’appréciation de l’expérience que vit un client dans un restaurant. 

« La qualité de l’expérience du consommateur et sa satisfaction face à un restaurant sont fondées sur plusieurs éléments. Outre la saveur des aliments et la qualité du service, l’ambiance serait un déterminant souvent plus important que le prix. »    

Le cumul de tous les sons ambiants d’un restaurant qui sont générés principalement par la cuisine, le déroulement du service, la musique et les conversations peut alors être examiné comme une problématique ergonomique. Des audiologistes américains ont même fait une campagne de sensibilisation à ce sujet. Sans entrer dans les détails, voici quelques repères pour objectiver la question. Notez que les données peuvent être légèrement différentes selon les sources consultées. Une conversation normale à deux ou trois personnes se situe à un niveau de décibels entre 55 et 65. Un restaurant typique produirait un niveau de bruit de 70 à 80 décibels et certains autres atteindraient 110 décibels, soit le niveau d’un marteau piqueur. Il est facile de comprendre qu’un niveau de plus de 65 dB va obliger les consommateurs à hausser la voix de manière importante pour pouvoir tenir une conversation. Il faut aussi savoir qu’augmenter le volume de n’importe quel son de 3 dB équivaut à multiplier l’intensité sonore par deux : 68 dB serait donc deux fois plus fort que 65 dB. Dans ces conditions, il n’est quasiment plus question d’ambiance d’un restaurant, mais réellement d’expérience du consommateur quant à son confort physique.

Que dire des employés qui sont exposés à ces niveaux de bruit? Stress, fatigue, diminution de la productivité et dommages à l’ouïe sont des conséquences documentées de l’excès de bruit sur le personnel de la restauration. La durée d’une exposition à 80 dB ne devrait pas dépasser
8 heures par jour, un quart de travail typique. Un niveau de 85 dB ou plus durant cette même période peut causer des problèmes liés à l’audition.

La tendance est aux cuisines ouvertes, à la décoration de style industriel en béton, pierre et métaux qui réfléchissent le son, exit les tapis, les tentures, les sièges de tissus rembourrés et les nappes doublées qui l’amortissent. Ajoutez un volume de musique assez élevé pour être entendu, des consommateurs qui parlent plus fort pour se faire comprendre et vous avez l’impression d’être dans un bar. La musique est souvent essentielle à une atmosphère distinctive allant de pair avec le concept mis de l’avant dans le restaurant, mais il ne faut pas faire fuir les clients. Leur confort physique est garant de leur satisfaction tout comme le sont la nourriture et le service.

« Dans sa rubrique gastronomique, le journal San Francisco Chronicle inclut le taux de décibels des restaurants évalués dans ses pages à l’aide d’un nombre de cloches. »

Une belle façon de prendre en compte les intérêts des consommateurs et de faciliter leur décision. Quelqu’un le fait-il au Québec? Si oui, faites-le-moi savoir que j’en prenne connaissance avant ma prochaine sortie au restaurant…Bon appétit!

Des références sur le sujet? Facile à trouver. Pour des échantillons de bruit dans des restaurants américains, consultez l’article suivant du Wall Street Journal, intitulé « Pass the salt…and a megaphone » à :
http://www.wsj.com/articles/SB10001424052748704022804575041060813407740








Marie J. Lachance 
Professeure associée
Sciences de la consommation
Université Laval
marie.lachance@eac.ulaval.ca 

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