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Billet février 2021

Les parcours inspirants de nos étudiants en sciences de la consommation!


Les étudiants à la maîtrise en sciences de la consommation s’intéressent à une multitude de sujets qui touchent le consommateur. Ce mois-ci, nous souhaitons mettre en lumière le projet de recherche d’Arthur Kouekam Ngandeu portant sur l'attention comme catalyseur des communications environnementales axées sur la peur.

Bonne lecture !


Mise en contexte

Depuis la parution, en 1987, du rapport Brundtland exhortant les nations du monde à initier des efforts communs afin de garantir le bien-être des générations futures, la question de la préservation de l’environnement ne cesse d’agiter les consciences et d’occuper une place prépondérante au cœur des préoccupations politiques, institutionnelles et scientifiques. Les changements climatiques sont réels et toute la planète en souffre, les écosystèmes sont bouleversés entrainant des conséquences visibles sur ses occupants ; les plantes, les animaux et les humains. La question de l’environnement est un grand enjeu dans le monde entier aujourd’hui. Tout comme le Québec et le Canada, les autres parties du monde souffrent également des conséquences du changement climatique.

En dépit de l’engouement considérable démontré à travers les communications environnementales dans le but de préserver l’environnement afin d’assurer le bien-être des générations futures, les comportements des individus peinent encore à s’aligner favorablement en direction des croyances et attitudes positives envers l’environnement. Parmi les facteurs identifiés dans la littérature comme susceptibles d’expliquer cette asymétrie, l’axe communicationnel semble être celui qui cristallise l’attention de la communauté scientifique en raison de son utilisation comme vecteur principal de sensibilisation aux conduites éco civiques. Jusqu’à maintenant, cette communication a privilégié un registre discursif marqué par l’exploitation, sur divers supports (ex. télévision, affichage, imprimés ; médias sociaux, etc.), de visuels anxiogènes (ex. fontes des glaces, sécheresse, etc.) afin de sensibiliser les populations à la gravité du problème climatique, au rythme et à l’ampleur de son développement ainsi qu’à l’irréversibilité de ses conséquences (Akil et al., 2018 ; Metag et al., 2016 ; Wang et al., 2018). Si cette démarche s’est avérée d’une extrême efficacité pour susciter d’une part, un sentiment de peur généralisé chez les populations et d’autre part, une prise de conscience de la gravité des risques environnementaux encourus, elle est fortement critiquée pour sa portée contreproductive et peu fructifère quand il s’agit d’induire durablement des dispositions écologiques chez les citoyens. De l’avis de certains auteurs, le recours au type de communication anxiogène dans la lutte contre les changements climatiques aurait pour inconvénient de générer, chez les populations, un risque d’apathie collective se traduisant, contrairement aux attentes, par l’adoption de comportements d’autoprotection, de repli (i.e., déni du problème climatique, fuite en avant, adoption de comportements contraires à la situation souhaitée) et de réactance qui défocalise l’attention initiale des individus (Albouy, 2017 ; Akil et al., 2018 ; Daigneault et al., 2018).

Problématique

Déjà en 2017 au Québec, plus de 5300 résidences avaient été inondées occasionnant l’évacuation de plus de 4000 personnes. Bien que les conséquences climatiques sur la santé et la sécurité des populations soient avérées et longuement documentées (Bell et al., 2018; Germain Lebel, Bustinza & Dubé, 2017; Hashim & Hashim, 2016), les comportements quotidiens des citoyens peinent encore à s’inscrire dans une logique de durabilité, et ce, principalement parce qu’ils perçoivent le risque environnemental comme une menace hypothétique, distante et abstraite (C. Jones, Hine & Marks, 2017; Klaniecki, Leventon & Abson, 2018; C. Manning et al., 2018; Van der Linden, 2015). Afin d’atténuer cette perception, l’exposition continue des populations à des stimuli visuels à forte tonalité anxiogène a constitué l’axe dominant des stratégies publicitaires en matière de sensibilisation environnementale. En effet, il est reconnu dans la littérature éco publicitaire que les images ont une capacité de captation et de persuasion plus fortes que le recours à de simples textes (Krause & Bucy, 2018; Schultz, Fielding, Newton & Louis, 2018; Sontag, 2017). Dans la tradition théorique des principaux courants de recherches en communication, l’efficacité publicitaire fonctionne selon un cheminement causal qui veut que l’effet persuasif du message soit la résultante de la capacité à capter l’attention de l’individu, à susciter son intérêt vis-à-vis du contenu de ce message afin de faire croître en lui le désir de passer à l’action par l’adoption du comportement souhaité (ex. modèle AIDA de persuasion publicitaire) (Cacioppo & Petty, 2018; Lavidge & Steiner, 1961; Miller, 1973). Si les progrès récents en matière de sensibilisation environnementale semblent indiquer une nette amélioration au niveau du maillon affectif de ce processus (c.-à-d., capacité à susciter l’intérêt et le désir des citoyens pour le message), les messages éco persuasifs restent encore de faible impact sur la volonté des populations à adopter des comportements salutaires pour l’environnement (Akil, Robert-Demontrond & Bouillé, 2018). Le type de visuels choisi, les caractéristiques du récepteur (sexe, situation familiale, niveau de formation, etc.) et la manière dont le risque est présenté sont autant de facteurs susceptibles de déterminer le degré d’attention qu’un récepteur accorde au message.

Dès lors, et au regard de ces trois critères (le type de visuel, les caractéristiques de la cible, le type de risque promu), notre question de recherche est de savoir comment pourrait-on accroître l’efficacité des communications éco persuasives axées sur la peur, en optimisant les processus attentionnels de traitement de l’information ?

Cette problématique de recherche est d’autant plus pertinente que l’étude des questions attentionnelles dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques constitue une artère de recherche encore embryonnaire. De manière plus spécifique, l’étude s’attèlera à identifier différentes cartographies visuelles illustratives des représentations en termes de conséquences climatiques, de niveau de risque perçu et de contextes social/géographique. Chacune des cartographies étant développées pour refléter les constructions mentales associées particulièrement au segment démographique de la population québécoise étudiée (jeunes âgés de18 à 25 ans). Nos deux principaux objectifs de recherche sont :

  • de définir le répertoire visuel le plus représentatif de la perception d’un risque environnemental élevé pour la jeune population québécoise âgée entre 18 et 25 ans;

  • d'identifier pour les jeunes Québécois, le type de visuels plus propices à l’adoption de comportements écologiques réels.

Méthodologie

Pour la réalisation de notre premier objectif, à savoir, définir le répertoire visuel le plus représentatif de la perception d’un risque environnemental élevé pour la jeune population québécoise âgée entre 18 et 25 ans le protocole de recherche sera exclusivement qualitatif. Il consistera à effectuer 3 entrevues de groupes auprès de répondants québécois âgés de 18 et 25 ans. Les entrevues de groupes se feront à distance et en ligne sur la plateforme Zoom à raison des contraintes dues à la pandémie à coronavirus. Nous allons impliquer les répondants dans des exercices d’association. À partir d’une grille de notation que nous allons constituer, il sera question de choisir, parmi le jeu de visuels environnementaux présenté aux répondants, les images qui correspondent à leur description du risque écologique élevé. Les justificatifs de ces choix ont permis d’identifier implicitement les facteurs attentionnels propres à ces stimuli. En ce qui concerne le deuxième objectif, le même protocole de recherche que l’objectif 1 sera utilisé avec un les mêmes groupes de répondants. La technique utilisée sera essentiellement le tri d’images et une discussion de groupe. D’une durée également de 2 h chacune, nous allons permettre aux répondants durant les entrevues de groupes de choisir parmi les images identifiées comme les plus illustratives du risque écologique élevé, celles dont la vue serait susceptible de déclencher des comportements réels. Les motivations sous-jacentes à ces choix vont nous permettre de profiler les facteurs attentionnels en fonction des jeunes Québécois. Ces entrevues se dérouleront également en ligne et à distance sur la plateforme Zoom.

Cette étude pourra avoir de l’importance sous deux principaux aspects;

Au niveau scientifique : elle permettra de fournir des réponses à la problématique de l’efficacité des campagnes écoresponsables analysée sous l’angle des processus attentionnels. Du meilleur de nos connaissances, il n’existe pas encore d’études en communication environnementale qui se soient intéressées à l’examen attentif des mécanismes attentionnels comme levier pour favoriser l’engagement écocitoyen. En outre, cette recherche pourrait s’appliquer également à la compréhension des motifs de distanciation psychologique rapportés dans la littérature environnementale comme un des freins majeurs à l’engagement pro environnemental (C. D. Jones et al., 2016; D. T. Manning, Goemans & Maas, 2017). De manière plus précise, la perception de distanciation psychologique fait référence au fait pour les individus de considérer comme trop lointaines et abstraites les conséquences associées aux risques environnementaux. Ainsi, en identifiant par exemple, les registres visuels les mieux adaptés pour capter l’attention des citoyens (ex. quelles images de risque environnemental conviendrait-il de présenter au citoyen québécois afin de susciter son intention à adopter des comportements écologiques ?), on pourrait être en mesure d’influencer indirectement les mécanismes perceptuels qui conditionnent la manière dont les individus construisent leur registre de distanciation psychologique.

Du point de vue de la pratique : la recherche propose des pistes aux stratèges en communication afin d’améliorer l’efficacité des campagnes de sensibilisation existantes en matière d’éducation environnementale. Par ailleurs, en se proposant d’identifier des visuels adaptés aux perceptions des jeunes Québécois, elle permettra d’aider à la conception d’interventions publicitaires plus ciblées et à l’optimisation des budgets consentis pour leur élaboration. Les connaissances qui seront développées contribueront, par ailleurs, à une meilleure éducation des populations et à la formation de la relève universitaire sur les grands enjeux de durabilité.

Arthur Kouekam Ngandeu
Étudiant à la maîtrise en sciences de la consommation
Université Laval

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