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Billet novembre 2023

La « consommation » des soins spirituels en milieu de santé

 

Généralement, lorsque la maladie ouvre la porte pour faire partie de notre vie, celle-ci ébranle souvent nos valeurs, nos projets de vie, nos croyances et met ainsi à l’épreuve le sens que l’on donnait à notre existence. Dépendamment du moment dans notre vie ou des circonstances, la maladie apporte son lot de questionnement, d’émotion et d’instabilité qui désorganisent les plans qu’on avait envie de mettre de l’avant pour être en mesure de vivre heureux et terminer nos jours paisiblement dans la quiétude. 

Au fil de la lecture de ce texte, vous pourrez découvrir, à travers un bref historique, comment a été concrétisé le service de soins spirituels dans les milieux de soins au Québec, qu’est-ce que sont les services de soins spirituels et qui sont les usagers qui bénéficient de ces services. En d’autres mots, qui sont les « consommateurs » du service de soins spirituels. 

Tout d’abord, regardons ensemble un bref historique de la création du service de soins spirituels dans les milieux de santé. Auparavant, ce service portait le nom de service de pastorale. Je nommerai ici quelques repères temporels qui situeront l’historique de ce service dans les milieux de soins.

C’est le 18 novembre 1975 que le premier protocole concernant les aumôniers des centres hospitaliers a été signé. Ce protocole avait pour but de donner un cadre de référence pour l’organisation de la pastorale en établissement de santé et des services sociaux. Par la suite, en 1984, le gouvernement du Québec adopte un règlement sur l’organisation et l’administration des établissements. L’article 71 est écrit et prévoit dorénavant une organisation entre les services de pastorale et les autorités religieuses concernées. Enfin, en 1991, la loi sur les services de santé et les services sociaux est adoptée. L’article 1002 prévoit maintenant que chaque établissement doit assurer des services continus, accessibles et respectueux des droits des personnes et de leurs besoins spirituels. Le changement de titre d’emploi arrive 30 ans plus tard, passant d’animateur de pastorale à intervenant en soins spirituels. Ce changement est en continuité dans le courant de la société devenue laïque. À partir de cet instant, l’accompagnement n’est plus simplement dirigé vers le religieux, mais est décrit comme étant spirituel donc inclusif du religieux.

Qu’est-ce que sont les soins spirituels ? La mission principale du service de soins spirituels est : offrir un soutien et un accompagnement à la vie spirituelle et religieuse des personnes hospitalisées ou hébergées, ainsi qu’à leurs proches. Cette mission signifie clairement que le travail d’un intervenant en soins spirituels est de répondre à différentes demandes d’accompagnement d’ordres spirituels, qui sont spécifiquement liés à la quête de sens et font référence à une soif d’accomplissement sur le plan de l’âme tel que le bonheur, la paix et le bien-être intérieur. Les accompagnements de types religieux, quant à eux, renvoient essentiellement aux rites et aux croyances qu’une personne utilise pour exprimer sa foi et son lien à Dieu puis démontre l’appartenance à un groupe précis.

En somme, les services de soins spirituels existent dans les milieux de soins pour prendre en charge les différentes situations existentielles que les personnes hébergées, hospitalisées et leurs proches ont à vivre vis-à-vis la maladie. Il s’agit d’un service fondamental qui touche à des dimensions non explorées par les autres professionnels de la santé, mais essentielles à la compréhension de l’être dans son intégralité.

Qui sont les usagers du service de soins spirituels ? Tout d’abord, il faut savoir que les intervenants en soins spirituels rencontrent tous les types de clientèle qui utilisent le service de santé. Cela passe par des hospitalisations nécessitant un cours ou un long séjour à une clientèle en pédiatrie ou en santé mentale, aux soins intensifs ou en soins palliatifs ou encore en hébergement ou bien qui reçoit des soins à domicile. En résumé, les intervenants en soins spirituels peuvent rencontrer des usagers dans tous les secteurs de soins existants dans le domaine de la santé.

En tant qu’intervenant en soins spirituels, les demandes de services varient selon l’urgence de la situation ou l’état émotionnel de l’usager. C’est pourquoi le service rejoint autant la personne malade que ses proches. 

Les « consommateurs », appelés dans le langage hospitalier des usagers, font appel à nos services sous différentes requêtes. Un usager peut, par exemple, avoir besoin de cheminer sur une demande d’aide médicale à mourir afin de prendre la meilleure décision qui sera en concordance avec ses valeurs personnelles. Un autre peut vivre un moment de désorganisation et avoir besoin de retrouver ses repères face à sa situation pour revenir à un bien-être intérieur. Des parents peuvent vivre une situation où ils ont besoin de discerner sur une décision à prendre concernant l’avenir de leur enfant. Ces quelques exemples d’accompagnement démontrent que les intervenants en soins spirituels sont actifs dans différents dossiers autant sur le plan éthique que sur le plan existentiel.

Le service répond aussi à des demandes de rituels spirituels ou religieux. Par exemple, une famille qui est auprès de la personne malade en fin de vie ou décédée peut avoir envie de vivre un moment de recueillement pour nommer des aspects importants qui ont marqué le vécu de l’usager, des instants signifiants avec lui qui demeureront d’agréables souvenirs, des valeurs importantes dans sa vie, etc. Qu’il soit religieux ou spirituel, l’intervenant qui propose le rituel le suggère selon les valeurs et les croyances de l’usager et des personnes présentes au chevet. En d’autres mots, le rituel sert à vivre pour certains un instant de pardon et pour d’autres de consolation. Il permet de souligner le caractère sacré de l’existence de l’usager et ainsi marquer le temps d’une manière douce et significative aidant au deuil à venir.

 

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur le service de soins spirituels. Ce travail méconnu et passionnant à la fois reste essentiel au sein de nos services de santé. En tant qu’intervenante en soins spirituels, toutes les personnes que je rencontre me permettent d’être à l’écoute d’histoires attachantes et captivantes qui façonnent des modèles de dignité humaine toute aussi importante les unes que les autres. Quoi qu’il en soit, sachez qu’une personne existe pour entendre votre cœur profond, secret à travers les mots et les non-dits lors de moments vulnérables de votre vie.

 

Christine Cloutier 
Christine Cloutier est intervenante en soins spirituels depuis plus de 17 ans dans les milieux hospitaliers au sein du CGU de Québec Université Laval. Elle a travaillé dans différents milieux tel que la pédiatrie, la réadaptation, la courte durée, l'hébergement et la santé mentale. Madame Cloutier a travaillé sur le paradigme d'accompagnement de la personne en hébergement et est coordonnatrice professionnelle depuis 3 ans. Elle a également travaillé en remplacement comme agente de planification au programme recherche et comme agente de développement de la profession. Elle a, en avril 2023, représenté le Centre Spiritualité Santé et le CHU de Québec Université Laval au congrès RESSPIR en Belgique en présentant une affiche expliquant l'évolution et la professionnalisation de la profession des intervenants en soins spirituels au Québec. Enfin, elle participe activement à une recherche qui permettra le développement d'un modèle d'accompagnement des personnes en hébergement atteintes de troubles neurocognitifs importants soit l'approche sensori-mémorielle.

1Article 7 du Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements (S-5, r.3.01) : Le conseil d’administration d’un centre hospitalier ou d’un centre d’hébergement public ou   privé   visé   par   l’article   177   de   la   Loi   doit   adopter   un   règlement   portant   sur l’organisation de service de pastorale dans l’établissement.  À cette fin, le conseil d’administration doit conclure une entente avec les autorités religieuses concernées, selon l’appartenance religieuse des bénéficiaires hébergés.  

2 Article 100 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c.S-4.2) : Les établissements ont pour fonction d’assurer la prestation de services de santé ou de services sociaux de qualité, qui soient continus, accessibles et respectueux des droits des personnes et de leurs besoins spirituels et qui visent à réduire ou à solutionner les problèmes de santé et de bien-être et à satisfaire les besoins des groupes de la population. À cette fin, ils doivent gérer avec efficacité et efficience leurs ressources humaines, matérielles et financières et collaborer avec les autres intervenants du milieu. 

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